Dans l'avion qui nous menait au Myanmar, nous avons commencé, à la lecture du guide, a nous faire une idée plus précise de ce qui nous attendait, même si nous avions connaissance de la situation politique et de l'appel fait aux touristes à boycotter le pays.
Le pays est gouverné depuis 1962 par une junte militaire qui refuse de céder le pouvoir à la Ligue Nationale pour la Démocratie malgré sa large victoire aux élections organisées en 1990 face à la pression internationale. En 1996, le pouvoir aurait fait appel au travail forcé pour la construction d'infrastructures en vue de développer le tourisme. La junte gère des hôtels gouvernementaux dont la manne financière lui revient directement. Le pouvoir surveille et contrôle les médias et les télécommunications, interdisant l'utilisation de certaines messageries mail. Du fait de cette situation, les compagnies et banques internationales ont délaissé le pays. Le tourisme est réduit à sa plus simple expression.
Les évènements dramatiques qui secouèrent le pays en septembre 2007, d'ailleurs largement médiatisés en Europe, ne font que confirmer les tensions politiques qui règnent dans ce pays. Le pouvoir avait, à cette date réprimé par la force, dans le feu et le sang, le mouvement de protestation lancé par les moines bouddhistes. Un journaliste japonais y avait perdu la vie, abattu en exerçant son métier.
Lors de notre séjour, nous avons ressenti comme une privation de liberté qui s'est manifestée par la difficulté voire l'impossibilité de faire ce que l'on voulait quand on voulait. Les situations ci-après en sont les illustrations les plus flagrantes. De plus tout ce qui paraissait simple dans les pays voisins, même en Inde, était en fait si compliqué. L'enfermement de la population, ses sourires tristes, son impuissance et sa gentillesse maladroite, n'ont fait qu'exacerber ce sentiment. Ce manque de liberté nous a profondément marqué. C'était la première fois que nous étions confrontes à une telle situation.
Dans ce pays, le dollar est roi. Tout ce qui est chic et cher se paye en dollars. Le reste se paye en monnaie locale...mais pour se procurer de la monnaie locale, pas question de se pointer avec sa CB devant un distributeur automatique : le pays en compte 0! Là encore, il faut des dollars. Pour avoir un taux de change correct, il faut avoir recours au marche noir. Illégal mais pas réprimandé. Il "suffit" de marcher dans la rue, de tendre l'oreille, de négocier le taux de change, de suivre un intermédiaire, de s'assoir dans une officine sombre ou un homme arrive avec des liasses de billets entourées d'un élastique ( 1 dollar = 1000 kyats), de compter, de vérifier l'état des billets et de tendre les coupures en dollars. Les dollars pliés, abimés, ou dont le numéro de série commence par FC ne sont pas acceptés! Peur de la fausse monnaie! Nous nous sommes sentis dépendants d'un système qui nous échappait voire qui nous prenait en otage.
Quelques salles internet proposent un accès. Il faut bien sur arriver lorsqu'il n'y a pas de coupure de courant ou être avisés que l'ordinateur peut s'éteindre à tout moment. La connexion est lente. Elle est surtout impossible vers certaines messageries genre hotmail. Le gouvernement contrôlant les systèmes de communications, il faut passer par des serveurs détournés. Celui qu'utilisait le jeune homme responsable du café internet était dénommé "freedom". Le nom est évocateur de la situation.
Mais cela ne marche pas systématiquement : hotmail.com n'a jamais pu être consulté, hotmail.fr deux fois après des dizaines de manipulations et une heure d'attente avant d'obtenir la connexion. Sans internet pas d'ouverture sur le monde et, humblement impossible d'organiser son voyage sur place.
L'impression d'être surveillé était présente tout au long de la journée. Tout le monde a l'air de vous avoir croisé dans la journée, de savoir ou vous avez dormi, ou vous avez déjeuné, ce que vous avez visisité. Tout le monde, du simple chauffeur de cyclopousse au restaurateur, vous demande ou vous allez, d'où vous venez, ce que vous faites. Volonté de s'ouvrir et de savoir? Surveillance? Nous ne le saurons jamais. Dans un des hôtels, un membre du personnel rentrait dans notre chambre systématiquement dès que nous la quittions, les objets changeaient de place. Comme si notre vie était passée au peigne fin. Un couple, rencontré au Lac Inle, nous disait que certaines zones étaient interdites aux étrangers et qu'un soir, alors qu'ils souhaitaient dormir dans une pension de village, ils avaient été conduits poliment mais fermement dans une zone réservée aux touristes.
Difficile de profiter sereinement de la beauté d'un pays dans ces conditions même si tout est fait pour séduire le touriste.
Nous nous sommes sentis à la fois relativement libres de mouvement et totalement privés de liberté.
La population,elle, est juste privée de liberté.